MC Monin : du FLIP au Nikon Film Festival – Chronique #JEUTravaille
    MC Monin : du FLIP au Nikon Film Festival – Chronique #JEUTravaille

    La chronique #JEUtravaille s’attache à valoriser les pratiques du jeu dans le travail des différents acteurs du territoire Parthenay-Gâtine.

    Bonjour MC, que fais-tu dans la vie ?

    Je suis photographe et vidéaste en freelance basée à Bordeaux, principalement dans le milieu culturel. Je travaille aussi un petit peu dans le milieu de la mode, mais toujours dans le domaine de l’image.

    Tu as de nombreuses expériences à Bordeaux, Poitiers, Québec ou Shanghai, est-ce que tu interviens partout en France, dans le monde, et pour tout type de partenaires ou projets ?

    Dans l’idée, je participe avec plaisir à des projets mondiaux, ou partout en France. Tout dépend des rémunérations, des dédommagements. Par exemple, je devais travailler avec une danseuse israélienne, mais à cause du Covid ça a été annulé. En ce moment je travaille avec différentes personnes sur Paris, Bordeaux, ou encore Nantes. Je ne suis pas bloquée par rapport aux destinations.

    Naturellement je vais me diriger vers des projets artistiques, comme des tournages de clips, des teasers pour des compagnies de danse, des shootings photos pour des communications d’artistes… Mais je réponds aussi à des demandes qui sont plus institutionnelles par rapport à l’offre ou des projets que j’ai envie de faire par curiosité. Je souhaite enrichir mon travail et avoir le plus de compétences possibles.

    Et tu es originaire de Parthenay où tu as pu pratiquer le FLIP, raconte-nous tes expériences ?

    J’ai fait le FLIP pendant huit ans, cinq ans en tant qu’animatrice et trois ans en tant que manageuse. Puisque je venais du monde des Arts, j’ai été assignée aux loisirs créatifs (enfance petite enfance). C’était très chouette en tant que première expérience de travail autour du jeu, surtout grâce à l’ambiance entre les animateurs qui est très différente d’une ambiance de travail lambda. Il y a une vraie communauté qui se crée sur la durée du festival. J’ai aussi beaucoup aimé le management, c’était un peu la suite logique de l’animation, voir la hiérarchie dans l’organisation du festival. Ça m’a beaucoup aidé dans ma vie professionnelle pour par exemple diriger une équipe sans prendre le melon.

    Je suis tombée dans le FLIP toute petite, étant originaire de Parthenay. C’est un festival gratuit et ouvert à tous, donc j’y ai passé beaucoup de temps pendant les vacances.

    J’aime bien les jeux d’ambiance, de bluffs, d’interprétation, avec des formats assez courts. Je n’arrive pas à rester concentrée très longtemps sur les jeux de réflexion. Je préfère donc ceux qui valorisent fortement le lien social dans la partie. Même si je joue beaucoup a Code names dans lequel les joueurs ne sont pas censés parler [rires].

    J’ai aussi un rapport particulier aux jeux traditionnels, j’aime le lien aux festivaliers qui se crée dans les rues, en extérieur pendant le FLIP. J’adore voir comment nous pouvons inviter les gens de passage à jouer. Ce sont aussi des jeux nobles, qui ont une histoire, retranscrits de génération en génération. Pour certains, il y a même eu plusieurs relectures avant d’arriver à la règle actuelle. Ce sont des témoins de l’histoire et de la culture de différents pays, un vrai patrimoine accompagné de son esthétique.

    Dernièrement la presse a relayé ta candidature au « Nikon Film Festival ». Qu’est-ce que c’est et comment y participes-tu ?

    C’est un festival de court-métrages qui célèbre sa onzième édition cette année. Chaque année ils établissent un thème. Et cette édition est sur “le jeu”.

    Bien sûr, ça m’a parlé instinctivement. Et je venais de me lancer en freelance, donc ça marquait un peu l’arrivée dans mon domaine : l’établissement d’un projet personnel d’une plus grande ampleur qu’un simple projet dans mon coin.
    Venant du monde de la danse, quand je suis arrivée sur Bordeaux, j’ai directement travaillé avec une compagnie de danse Hip-hop qui s’appelle La Compagnie Rêvolution ; ce qui m’a permis de rencontrer beaucoup de danseurs, de développer ma pratique du médium vidéo, du mouvement.

    Quand j’ai vu le thème du jeu du Nikon Film Festival, j’ai directement voulu travailler un court-métrage dans l’univers dansé.

    Et en discutant, je me suis rendu compte que le “Kika Shifumi” pouvait devenir mon fil rouge. C’est une réelle discipline qui existe dans la communauté de danse électro et qui s’est développée dans notre génération. C’est un crew de Paris qui s’appelle Alliance Crew qui a développé ce concept. Le Kika Shifumi est un jeu qui se danse, tiré du Pierre Feuille Ciseaux, et qui s’intègre dans un mouvement dansé.
    Dans un battle, le danseur qui gagne la manche au Shifumi doit indiquer une direction avec son corps. Et la personne en face, pour ne pas perdre, doit simultanément intégrer une direction opposée à celle indiquée par le premier. C’est une discipline qui amène la madeleine de Proust du jeu de notre enfance à quelque chose de plus dynamique. La musicalité, la danse, le jeu, tout est relié à mes expériences personnelles.

    Le thème du jeu dans ce concours Nikon Film Festival était parfait puisqu’il fait écho à ma personnalité et à mes expériences professionnelles : mon rapport au jeu depuis mon enfance, avec le FLIP qui m’a éveillée sur ce sujet depuis toute petite, à la danse, qui est un milieu que je fréquente depuis plusieurs années et que je tenais à intégrer dans mon projet, et bien sûr à la création vidéo et la musique.

    La musicalité du clip est aussi au coeur du projet. C’est d’ailleurs un ami, Le Bail, qui a composé la musique du court-métrage. La première partie du morceau est un Requiem de Mozart, et la seconde partie est une composition originale pour le projet. Je voulais que ce soit un son électro puisque nous parlions de cette communauté.

    Au final, toute cette construction a donné “Well”, un court-métrage à découvrir ici : MC MONIN (vimeo.com)

    Quel est l’objectif de ta participation ?

    Chaque prix représente du matériel, des bourses etc… Ce sont de belles choses. Mais ce qui m’a fasciné et m’a donné envie d’y participer, ce n’est absolument pas ça. Je voulais juste être perçue par le jury qui a été annoncé, qui sont des acteurs que j’admire : Jonathan Cohen qui me fait mourir de rire, Reda Kateb qui excelle dans son jeu d’acteur, Louise Bourgoin et Eric Judor. Je me suis dit : si eux ils peuvent voir mon travail, c’est pas mal !
    C’est tout de même un long chemin, il y a 1674 personnes qui participent avec 50 présélectionnés. Et ce jury ne visionne que les 50 présélectionnés.

    Il y a un prix auquel tous les participants peuvent prétendre, le Grand Prix du Public, pour lequel n’importe qui peut aller voter et soutenir mon film « Well ».

    Combien de temps ça t’as pris et quelles ont été les étapes de création du film ?

    La première étape a été de savoir de quel sujet j’allais traiter, et comment j’allais traiter le thème du jeu. Il y a eu l’écriture d’un premier scénario pour visualiser les différentes scènes, tout en sachant qu’il ne doit pas durer plus de deux minutes vingt. C’est une consigne qui est assez délicate, car raconter une histoire en deux minutes vingt, c’est aussi réussir à poser un décor.

    J’ai appelé un danseur sur Bordeaux qui est un peu le pilier de la danse électro bordelaise pour savoir s’il était disponible. Nous avons discuté pour savoir comment mettre tout ça en forme. Et nous nous sommes dit que nous devrions faire ça sous la forme d’un combat. Donc j’ai démarché plusieurs clubs de boxe sur Bordeaux pour savoir s’ils pouvaient nous prêter leurs salles. Street Fight à Pessac l’a fait très gracieusement.

    Je m’y suis prise un mois avant la deadline, donc tout a été très rapide. J’ai fait appel à un ami, Antoine Sorel, qui est aussi en freelance vidéo pour venir m’aider. Il est un peu plus dans la technique de l’image, et il a été mon bras droit parfait. On a retravaillé le scénario ensemble pour revoir des transitions en amont auxquelles je n’aurais pas forcément pensé, et ça m’a beaucoup aidée.

    J’ai regardé pas mal de combats de MMA, pour identifier les codes, les tenues. Par exemple le coach est habillé en noir avec des gants noirs.
    J’avais aussi repéré des combattants MMA qui étaient tatoués partout, et je voulais que mes deux personnages principaux en aient. J’ai demandé à une amie, Nine’Jea, qui était en école d’art avec moi à Poitiers, de me faire des faux tatouages en rapport avec le shifumi. Elle est venue pour leur poser les faux tatouages depuis Toulouse. Ensuite, sur place on a eu trois heures : une heure de maquillage et deux heures de tournage. Donc nous n’avions vraiment pas beaucoup de temps. Au moment du combat nous avons eu des soucis de lumière (qui était trop forte) et il nous restait littéralement vingt minutes dans la salle puisque le patron devait fermer. Il faut imaginer la scène avec mon ami qui me court après avec une lumière pour le tournage des dernières scènes. Et finalement, ça donne bien à l’écran ! Toute la scène des coachs a été tournée à l’extérieur, puisque l’on a pas eu le temps de le faire à l’intérieur. À 21h nous étions sous un préau, il pleuvait, et j’ai deux amis qui tenaient un drap noir en arrière-plan. On ne le voit pas parce que ce sont des plans rapprochés, mais c’est comme ça que ça s’est passé [rires].

    J’ai été assez rapide pour le montage, j’avais toutes les images en tête, donc ça a dû me prendre environ une matinée. Nous étions vraiment dans le rush.

    Ok c’est parti pour un Shifumi alors ?! Pierre, Feuille ? … [rires]

    Quelle place a le jeu dans tes pratiques professionnelles ? (Ressorts de mise en scène, jeu dans les apprentissages à l’attention d’étudiants, etc. ?)

    Tout dépend des clients avec lesquels je travaille. Je suis déjà intervenue au Lycée des Grippeaux à Parthenay, et le fait d’être à l’aise avec les autres m’a bien aidée.
    Ce rapport au jeu, à la communication, mais aussi à l’humour m’a convaincu que l’on pouvait travailler avec tout cela. Je ne pense pas avoir une interaction ludique avec les gens, mais ce que j’en retiens, c’est le fait d’oser.

    Le jeu est aussi dans le travail de mise en scène, le montage, mais aussi avec l’individu qui va être filmé. Ces compositions peuvent être vues comme du jeu. Avec Well par exemple, nous retrouvons le jeu du battle, ainsi qu’un Shifumi, et le tout dans une confrontation et un jeu de rôles.

    Nous te retrouverons peut-être un jour sur le FLIP à Parthenay ? Qui sait, autour d’un projet de long métrage artistique mettant en scène des moments intergénérationnels chargés d’émotions provoqués par le jeu à l’échelle d’une cité ?

    Avec grand plaisir ! J’aime bien travailler le côté émotif, et je sais que ce festival mérite d’avoir encore plus de reconnaissances pour tout ce qu’il apporte autour. Je pense aux familles pas forcément aisées qui se voient proposer des activités gratuites durant les vacances scolaires. Le FLIP c’est partager, rencontrer, et ces facettes-là les gens ne les identifient pas toujours du premier coup, car le festival a premièrement une identité ludique.

    Où est-ce qu’on peut te retrouver pour prendre contact et suivre tes projets ?

    On peut me retrouver sur mon instagram, sur facebook, MC Monin, mais aussi sur mon site internet, qui n’est pour l’instant qu’un Behance : https://www.behance.net/mcmonin

    Est-ce qu’il y a une image ou un film qui t’a marqué ces dernières années ?

    J’aime beaucoup l’esthétique du cinéma italien. Un des films qui m’a marquée : Dogman de Matteo Garrone. J’adore le personnage qu’ils ont choisi, qui a un petit job, qui est un peu lambda, mais qui relève d’une histoire beaucoup plus tragique. J’y retrouve l’univers social et urbain qui m’intéresse.

    Philip-Lorca diCorcia

    En photo, je m’inspire beaucoup d’une photographe hollandaise qui s’appelle Rineke Dijkstra, qui a des lumières très crues, flash. Elle travaille sur la métamorphose des corps.
    Un autre photographe que j’adore, qui arrive à mêler parfaitement l’univers cinématographique à la photo, c’est Philip-Lorca diCorcia, son travail est sublime.

    En ce moment je travaille sur un court-métrage dont le sujet est la communauté Drag. Son regard sur la corporalité et l’individu m’intéresse. La suite au prochain épisode 😉

    Et enfin quel est ton jeu de société du moment ?

    CODENAMES ! Je suis fan de ce jeu, qui mêle la complicité, la compétitivité et développe un esprit synthétique. Pour réussir des associations de mots, on peut parfois partir sur la lune, en faisant des liens dans sa tête qui poussent à la créativité.

    Je le recommande à la terre entière ! [rires]

    Merci MC

    Etienne Delorme / Léa Poggioli – Chronique #JEUtravaille – 18/03/2021